Monastère des dominicaines de Lourdes

 

La tranfiguration du Seigneur

Lecture

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, son frère, et les conduit à l’écart sur une haute montagne. Là il fut transfiguré devant eux ; son visage brilla comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Or voici que Moïse et Elie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Prenant la parole, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu veux, je dresserai ici trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie. » Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit d’ombre et voici une voix qui disait, de la nuée : « Celui-ci est mon Fils, le bien-aimé, en qui je me suis complu ; écoutez-le. » Les disciples, l’entendant, tombèrent sur leur face et furent saisis d’une grande crainte. Mais Jésus, s’approchant, les toucha et dit : « Levez-vous et ne craignez pas ». Levant les yeux, ils ne virent personne, que Jésus seul.
Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez à personne de cette vision jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts » (Mt 17, 1-9).

Méditation

La « métamorphose » de Jésus

Dieu soleil, Dieu lumière

Nous assistons avec les apôtres à la transfiguration du Seigneur, à sa métamorphose, comme dit l’évangéliste ; son aspect se transforme. Nous voyons son visage briller comme le soleil et ses vêtements devenir blancs comme la lumière. Soleil, lumière. Dans la Bible, c’est à Dieu que cela s’applique. Dieu est un soleil (Ps 83, 12). Dieu est drapé d’un manteau de lumière (Ps 103), il est présenté comme la lumière éternelle (Sg 7, 26 ; cf. Ps 27, 1; Is 60, 19-20). Mais dans la Bible, la lumière est aussi un symbole de la vie, du salut et du bonheur (Ps 4, 7 ; 36, 10 ; 97, 11 ; Is 9, 1) : c’est la lumière qui permet le développement de la vie de façon harmonieuse, de la connaissance. La lumière est ce qu’il y a de plus précieux pour l’homme : sans la lumière, il n’y a pas de vie possible sur la terre. Dire que Dieu est Lumière, c’est dire Dieu dans sa relation à ses créatures, Dieu leur donnant la vie et se révélant à elles ; c’est implicitement parler du regard qui capte cette lumière, du regard par lequel se noue une relation.
Dire que Dieu est lumière, c’est dire qu’il est vie, salut et bonheur. Il est la lumière absolue, en lui la lumière n’est pas advenue : elle n’a pas succédé à la ténèbre, comme dans le monde cosmique (Gn 1), ou comme dans la vie des hommes. La ténèbre est le symbole du mal, de la mort. Dieu n’a rien à voir avec la ténèbre. La lumière dit quelque chose de l’être même de Dieu, La lumière est de l’ordre de l’être tandis que la ténèbre est comme accidentelle : elle pourrait pénétrer pour enlever la lumière. La ténèbre est étrangère à Dieu, à son être, sans aucune emprise sur lui. La ténèbre peut gagner du terrain sur la lumière ; mais cela n’existe pas en Dieu. Dieu est lumière. Il est d’ailleurs significatif que le mot même de Dieu, en grec, vienne de voir, regarder. Il est lié à la lumière : au-delà de toute forme, de toute sensation, perception.

Une manifestation de la divinité de Jésus

Le visage de Jésus devient comme le soleil. La lumière de la charité divine qui brûle dans son cœur le transforme soudain. Il devient feu. Ce feu est celui qu’il est venu allumer sur la terre, l’Esprit qui nous transfigurera.
Ses vêtements sont blancs comme la lumière. Pendant quelques instants, la lumière divine qui est en lui traverse son corps et ses vêtements — les vêtements sont le prolongement du corps. La blancheur qui est habituellement cachée au plus profond de son être, se manifeste donc de façon visible. C’est la blancheur de la lumière : n’est-il pas la lumière véritable ? « Il était la lumière », dit saint Jean dans son prologue, car il était Dieu. Par sa transfiguration, le Christ se révèle comme étant la Lumière, la Vie. Il est venu pour nous y faire participer.
La transfiguration de Jésus est donc une manifestation de sa divinité, de son être le plus profond ; non pas pour éblouir un moment les apôtres, mais pour les ancrer dans la certitude qu’il est la Vie, qu’il est leur vie et leur salut.

Signe de notre divinisation

Nous voyons en Jésus ce que nous sommes appelés à devenir. La blancheur — une blancheur nacrée et brillante, qui n’est pas le blanc de la mort mais de la vie —, c’est la couleur qui est au plus profond de notre être, c’est la couleur du lieu où Dieu habite en nous. On pourrait dire que c’est la couleur de l’image de Dieu en nous, la beauté dont Dieu nous a revêtus. Nous portons en nous, enfouie au plus profond de nous-mêmes, la blancheur que Dieu y a déposée, en nous créant à son image. La blancheur de la lumière est donc ici de l’ordre du symbole, non une simple métaphore.
Dieu fait participer les hommes à sa lumière, il en a placé un reflet au fond de leur être, mais ce reflet a été terni par le péché. Mais comme ils ne sont plus tournés vers la source de la lumière, comme le tournesol tourné vers le soleil, l’image a perdu son éclat ; les créatures en effet ne sont pas la source de leur lumière. Jésus, par sa résurrection, en restaure la blancheur, lui redonne brillance et éclat ; il renoue le lien qui unit la créature au Créateur, les enfants à leur Père. C’est ce qu’annonce la transfiguration : ce que nous voyons en Jésus sur la montagne, c’est notre propre mystère.

Une théophanie

La nuée

Dieu est lumière : après la lumière du Fils, c’est la lumière du Père qui se manifeste par une nuée lumineuse. Une nuée enveloppe maintenant Jésus et ses interlocuteurs.

La voix

Une voix se fait entendre. Il faut savoir que dans la Bible, « voix » a un sens beaucoup plus souple qu’en français. Ce mot signifie : son, bruit, voix. La voix précède la Parole : c’est la voix qui parle ; elle est présence de Dieu.
La voix se fait donc entendre, car il ne suffit pas de connaître où nous allons : vers la blancheur de la divinisation, mais il faut encore en connaître le chemin. Le Père nous dit : vous connaîtrez le chemin en écoutant Jésus ; vous êtes appelés à participer à sa lumière, mais ne vous trompez pas de chemin pour y parvenir.
Cette voix se fait entendre sur une haute montagne. Comment ne pas penser au Sinaï ? Nous assistons à une manifestation de Dieu ! Et alors que la « métamorphose » de Jésus n’avait pas troublé les apôtres, la présence mystérieuse qu’est la voix, les remplit de frayeur. Elle suscite l’adoration : une prosternation, la bouche dans la poussière.

La parole du Père

Cette voix, c’est l’oreille du cœur et non celle du corps, qui la perçoit. Nous ne pouvons la capter que par notre oreille intérieure. Que dit-elle ?
« Celui-ci est mon Fils ».
Quand le Père parle, il ne parle que de son Fils qui est sa Parole même. Il avait déjà prononcé une parole semblable le jour du baptême, mais elle s’adressait directement au Fils. Ici le Père révèle qui est Jésus aux trois apôtres, qui n’étaient d’ailleurs pas présents lors du baptême.
Le Fils est « le bien-aimé ». C’est l’expression de l’amour qui lie le Père et le Fils. Il n’y a qu’un seul bien-aimé, un seul Elu ; tous ceux que le Père a élus, tous ceux qui deviennent fils à leur tour, le sont dans le bien-aimé.
« En qui je me suis complu ».
Le Père a mis en Jésus, dans le Fils incarné, son dessein bienveillant, ce dessein qui trouve sa source dans les profondeurs cachées du mystère trinitaire, et qui était « enveloppé de silence aux siècles éternels » (Rm 16, 25). Joie du Père lorsqu’il a vu en Jésus la réponse d’amour attendue depuis la création, lorsqu’il a vu en lui l’humanité dans toute sa beauté !
Le Père a entendu pour la première fois dans la bouche d’un homme : « Voici, je viens ô Père pour faire ta volonté » (He 10, 9). Joie du Père pour l’obéissance de Jésus, pour l’obéissance de son Fils !
Le temps des épousailles est arrivé : la Nouvelle alliance est scellée dans le cœur du Christ, inséparablement Dieu et homme, accueillant sans cesse la nouveauté de la vie du Père dans l'humus de notre humanité héritée de Marie. Joie pour le Père lorsqu’il a vu advenir la Plénitude des temps !
Jésus est bien celui en qui le Père s’est complu. Il est le seul habilité à nous dévoiler le mystère du Père et son dessein bienveillant.
« Ecoutez-le ».
Jésus nous dit quel est le chemin par ses paroles, mais surtout par sa vie. Les apôtres le verront sans beauté ni éclat, avant de le voir dans la lumière de la résurrection. C’est à un acte de foi que la voix invite les disciples.
La première chose que les disciples entendent, c’est que Jésus doit ressusciter (Mt 17, 9) ; et ensuite qu’il doit souffrir de la part des scribes (Mt 17, 12). Une nouvelle annonce de la résurrection précise qu’une trahison, des souffrances et la mort précèderont (Mt 17, 22-23).
Dire : « Ecoutez-le », c’est dire : « Obéissez-lui ». Obéir, c’est mettre son oreille sous la parole. Obéir au Seigneur, obéir à la Parole du Père, c’est avoir une foi à transporter les montagnes (Mt 17, 20), c’est devenir comme un enfant pour être le plus grand (Mt 18, 3). C’est suivre Jésus dans son mystère de confiance absolue dans le Père, dans son mystère d’humilité.

Conclusion

La voix appelle à aller de l’avant, à sortir du repos où la contemplation de Jésus transfiguré a plongé les disciples. La voix met toujours en route. Elle nous invite peut-être aujourd’hui à abandonner toute revendication d’autosuffisance. Je me reçois d’un autre, du Père. C’est sa Parole qui me fait vivre, qui me dit qui je suis : fils dans le Fils. Je n’invente pas mon chemin ; sa Parole me l’indique : c’est celui que Jésus a pris le premier. Je suis appelé à vivre dans la dépendance. Il est tentant d’écouter une autre voix qui indique une voie large et facile ; la voix de l’adversaire, du diable, qui présente toujours la Parole de Dieu en la déformant.

Prière

Prions le Père, par l’intercession de Marie consolatrice des affligés, pour les handicapés, pour tous ceux qui sont défigurés par le poids de la souffrance.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- transfiguré devant ses disciples
- le Bien-aimé en qui le Père se complaît
- Lumière née de la Lumière
- qui monte vers sa Passion
- qui a souffert et qui est mort pour entrer dans la gloire
- qui restaure en nous la blancheur de l’image
- que le Père nous invite à écouter
- qui nous attire vers la lumière du Thabor
- qui nous fait passer des ténèbres de la mort à la lumière de la vie
- dont nous verrons un jour la lumière
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.

 

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